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Tour du monde a velo - Terre de paysages

Récits - Amérique du sud 5

Mea culpa, suivant les pays les accents sont plus ou moins présents sur les claviers, ce qui explique leur absence dans certains de nos textes. Désolé pour cette difficulté de lecture.

 

 

Les pieds gelés en PatagonieCarreteraAustrale146.JPG

Mis en ligne le 28 juin 2012, à Montevideo (Uruguay) 

 

Nous arrivons sur le sol argentin les larmes aux yeux. Où dormir, se réchauffer, se sécher? Il est 16h, El Chaltén est à 40km, trop tard pour rejoindre le village. Le camping est fermé, au bord de la rivière un ouvrier. Il nous dit que tout est fermé, mais qu'il n'y a personne et nous invite à profiter des pelouses du camping tout en nous faisant promettre de ne pas parler de lui au cas où nous rencontrions quelqu'un. Le lendemain, le petit dèj' est écourté par l'arrivée du gardien. "Le camping est fermé c'est interdit de camper. Ici, on sort les intrus à coup de fusil. C'est aussi interdit de camper au bord de la rivière et au bord du lac. C'est tout interdit!" Comment expliquer les trois derniers jours que nous venons de vivre...et l'obligation de camper! 

 

Le soleil se lève, le Fitz Roy fait son beau dans la lumière. Nous arrivons à vive CarreteraAustrale141.JPGallure à El Chaltén. Poussés par le vent, nous nous envolons sur l'asphalte! Florent qui n'a plus de freins est obligé de partir dans des rues de traverse pour s'arrêter. Le soir nous tentons de camper chez Jésus qui accueille tous les voyageurs de passage. Nous sommes trois à tenir la tente pour ne pas qu'elle s'envole, mais Flo n'a pas le temps de mettre les haubans que un coup de vent de travers fait plier la tente. Arceaux pliés, arceaux cassés, la fatigue des derniers jours nous tombe dessus d'un coup. De gites fermes, en gite complets, El refugio nous accueille dans son froid vide. Une bonne nuit de récupération est nécessaire. Puis les cerveaux passent à autre chose.


Les montagnes nous entourent, que va nous permettre la météo? J1 RandoFitzRoy006.JPGOrganisation et balade au Lago Torre. Le Cerro Torre reste dans les nuages. Flo attend, attend, attend, mais rien ne se découvre. Sur le retour, les pieds d'Aurélie se réchauffent, rougissent, gonflent. C'est le réveil des pieds gelés! Impossible de les rentrer dans les chaussures de montagne. Mais nous partons quand même pour trois jours de rando. Direction le col du vent pour avoir une vue sur cet immense glacier qu'est le campo de hielo Sur, puis retour par la Loma del Pliegue Tumbado. La météo nous prévoit une arrivée difficile et ventue au pied du glacier, mais une vue dégagée sur tout le massif du Fitz Roy et du Torre. Nous partons content. Le ciel se couvre, c’était prévu. Au lieu désigné de camping : une cabane, une bonne surprise ! On se met à l’abri et décide de passer la nuit là. Mauvaise idée, très mauvaise idée. Les souris feront  la fête toute la nuit et se régalerons de nos affaires laissées à leur porté. Pas la bouffe, non quand même on ne se laisse pas avoir comme ça…quoique…. Mais le cordon de l’appareil photo, la gourde souple, les branches de lunettes…des petits RandoFitzRoy030.JPGsouvenirs qui nous suivrons pendant longtemps. Lever au petit matin…pour attendre que le temps se lève. Puis la dernière heure arrive. 12h, on tente une montée au col avant que la journée soit trop courte pour une redescente sereine. A peine sortis dans la vallée, le vent, les giboulées se collent à nous. Nous allons avec difficulté jusqu’au premier point critique : la traversée du torrent. Possible, mais aller faire les guignols au-dessus du glacier dans la tempête ne nous tente pas vraiment… Demi-tour toute dans la cabane. Dans l’après-midi, arrivent d’autres randonneurs tentés par le col du vent. Et tous de mettre les affaires en hauteurs dans la cabane et les corps au chaud sous la tente…pour le plus grand plaisir des souris. Pas un sac de nourriture ne résiste à l’assaut, même une tente y passe ! Le matin, ils vont vers le col du vent pendant que nous tentons une montée à la Loma. Au-dessus de nous le ciel se découvre, mais le vent forcit. Les pierres volent. A chaque bourrasque, on se couche au sol pour ne pas se faire emporter. On reste au col, ça ne sert à rien de monter au sommet, le massif face à nous est complètement dans les nuages. Rien ne nous laisse espérer une éclaircie… nous nous rendons compte de la chance que nous avons eu de voir le Fitz Roy le premier jour !


Nous quittons la tempête d’El Chalten pour la pampa sous le soleil. Le vent Patagonie010.JPGnous pousse loin du massif embrumé. Au tournant du lac, le vent nous fait pencher, au sud du lac, il nous arrête au carrefour d’El Calfate. Un peu plus et il nous aurait poussé toujours plus vers l’est. Mais nous ne sommes pas à un détour de deux cent kilomètres prés pour aller visiter le Glacier Périt Moreno. Grand, gros, énorme ! Visite esseulée avec Marc et Indira retrouvé à El Calfate. Cyclos fatigués que nous sommes nous n’avons pas voulu faire les 80km contre le vent pour aller voir quelques bouts de glace. Mais en cette saison hors-saison, l’aventure auto-stop a bien failli se terminer au milieu de la pampa ! Notre bonne étoile nous a permis de rencontrer les deux ou trois retardataires et d’aller voir cet immense glacier qui continue, encore et toujours, sa descente jusqu’au pied des touristes.

 Patagonie016

El Calafate – Cerro Castillo. La bise est fraîche sous le soleil. La motivation pour camper tombe de plus en plus. Nous cherchons les campements de la Vialidad, les cantonniers argentins, les postes de police, n'importe quel bâtiment où il y est des gens et un potentiel abri contre le vent. On vieillit que voulez-vous. Casser la glace pour faire le thé du matin, enfiler nos habits de cosmonautes pour attaquer la journée, ça va bien un temps. Remarque, c’est plus facile pour plier la tente au carré, vu la rigidité du tissu. Et la planète apprécie les économies d’eau ! La motivation pour se laver est au moins dix étages en-dessous de celle pour camper.

Nous essayons de passer la nuit dans un commissariat perdu dans la pampa, Patagonie024.JPGmais les flics ne sont jamais là quand on en a besoin ! Au loin se profilent les Torres del Paine. La Vialidad nous accueille les bras grands ouverts. Une fois le chef partis, les deux de garde vont chercher un demi-agneau, on ne va quand même pas manquer l’occasion de se faire un asado !

 

Cerro-Castillo, Chili. Des allures de Far-west, des bâtiments qui nous donnent le sentiment d’être revenus à l’extrême nord-ouest du continent : l’Alaska. Les ours en moins, les moutons en plus. Au chaud près du poêle de l’ancienne gare de bus, nous avons des nouvelles du monde. Un bateau est susceptible de nous prendre à Ushuaia début mai pour sa remonté vers l’Uruguay, et Nelson, rencontré près de Traigen, nous dit que si l’on veut rester au Chili, il peut nous aider à trouver du travail. Mais pour finir la boucle, nous allons appuyer sur les pédales pour tenter la première chance et laisser passer la Patagonie031.JPGdeuxième…

Nous quittons Marc et Indira. Ils vont directement à Puerto Natales avec l’idée d’arriver le plus rapidement possible à Ushuaïa, alors que pour nous un détour à Torres del Paine s’impose. Sur la route nous croisons un gaucho et son troupeau de montons. Il va à Cerro Castillo, pas pour la tonte, pas vraiment la saison, mais pour le lavage des yeux. Les chiens mènent le troupeau avec efficacité. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas vu des chiens de berger au travail !

 

Torres del Paine. Arrivée sous le soleil, mais la neige est là et le grand tour à Patagonie038.JPGpied nous est interdit. De toute façon la date potentielle du départ du bateau à Ushuaïa ne nous permet d’aller faire des folies si nous voulons arriver à vélo en Terre de feu. Et puis les pieds de Florent sont en phase de décongélation avancée et la douleur enlève toute motivation au grand randonneur. Les montagnes sont là pour quelques années encore… Pour se remonter le moral, nous  allons établir notre campement face aux tours, histoire d’être aux premières loges pour le lever de soleil. Nous traversons le parc à vélo au milieu de milliers de guanacos. Les montagnes nous font de l’œil, mais nous nous évertuons à continuer notre route. Nouveau campement face au massif. Lever de soleil sur les Cuernos, les cornes du Paine. À Puerto Natales, nous Patagonie048.JPGretrouvons la pampa. Grand absent : le vent. Celui contre lequel luttent tout les cyclos qui vont au nord. Grand présent : le froid. Les pluies de la nuit sont verglaçantes. D’où les pneus cloutés vu à Puerto Natales !  Les estancias ont des noms aux consonances balkaniques. Le sud de la Patagonie a connu une grande vague d’immigration croate. Nombre de rues de Punta Arenas et des villes du sud portent des noms yougoslaves. Après la guerre des années 90, les noms ont changés, l’avenue de Yougoslavie est devenu l’avenue de Croatie. Le Club yougoslave s’est transformé en club croate et la seule famille serbe en a été exclue de fait.

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Punta Arenas. Nous retrouvons Humberto, Cornelia et tous leurs enfants. Une journée trop courte pour partager avec tous. Humberto nous fait visiter son usine de mise en boite de crabes et oursins. Les jours à venir nous remonterons la chaine jusqu’au lieu de pêche des crabes. Dans les eaux de Punta Arenas, les bateaux-usines coréens s’offrent quelques jours de repos. Sur la rive, les petits bateaux de pêche prennent le soleil. Nous prenons le ferry pour traverser le canal de Magellan.

 

Terre de Feu. La piste longe la mer et les cabanes de pêcheurs. Puis Patagonie069.JPGs’enfonce  dans les terres. A chaque estancia, un abri bus. Mais pourquoi ne sont-ils pas plus grands pour pouvoir dormir ?

La frontière. Absurde. Pour aller à Ushuaïa, les argentins sont obligés de passer par le chili. Les estancias chiliennes au sud de la Terre de Feu n’ont pas d’accès terrestre, pas encore, alors qu’elles ne sont qu’à quelques kilomètres d’Ushuaïa, l’argentine. Il y a longtemps, avant les guerres et les tensions, un seul peuple créole habitait la terre de feu. Les frontières étaient pour les livres et le pain le meilleur était toujours le plus proche. Ce soir les douaniers argentins nous montrent la Sala de estar, la salle d’attente avec poêle, gazinière et douche chaude. Viva Argentina !Patagonie066.JPG

 


Levé de soleil sur l’Atlantique ! De l’autre côté de la grande bleue : la maison ! Un petit bout d’océan à traverser et ce sera orgie de pain au chocolat et roquefort !!! Mais pour le moment, on continue : Maintenant que l’on est là, il faut arriver au bout.

 


Rio Grande. Nous retrouvons Robert, rencontré à San Pedro de Atacama, avec Patagonie075.JPGdeux autres cyclos étasuniens. Ils sont arrivés quelques jours après nous à Villa O’Higgins, trop pour les barcasa et lancha. Ils se sont lancés dans le passage du col  Mayer. Ils se sont perdus, ont mis plus de temps que prévu, en sont venus à manquer de vivre. « Le jour nous étions dans un frigo, la nuit dans un congelo »…finalement le lac du désert ce n’était pas si mal… Mais ils ont eu un compagnon à quatre pattes : Georges ! Georges, sans doute trop heureux de retrouver quelques vélos. Georges resté à la frontière, attaché dans une estancia. Georges qui, on en est sure, s’échappera à la première occasion pour aller retrouver d’autre cyclos en vadrouillent.

 

Derniers kilomètres de pampa en bord de mer. Nous passons la nuit dans  une estancia. Le cuistot du jour est chilien. En 1973, il était réserviste. Le 9 septembre il a reçu une lettre de mobilisation suspecte. Le 10, il est partit pour l’Argentine. Le 11,  Pinochet a pris le pouvoir.

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Nous continuons notre route vers le sud, de plus en plus nuageux, pluvieux, humide. La nuit, nous frappons à la porte de la sécurité civile. Derniers kilomètres. Passage du col de Garibaldi dans le brouillard et le soleil se lève pour nous accueillir à Ushuaïa ! Ville du bout du monde, arrivée, bout du voyage, fin d’une partie du voyage. 10 mai, nous allons au restaurant….pour mon anniversaire, la promesse a été tenue !

 

 

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Drôle de sensation. Nous sommes là, arrivés, un objectif souvent cité. Petit point tout en bas de notre carte. Une longue traversée continentale qui touche à sa fin. La mer, les montagnes, nous les fêtons avec le foie gras de Tati Guitou. Et puis… Quoi ? bin Ushuaïa ce n’est pas la fin, c’est le début…du retour !

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