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Tour du monde a velo - Terre de paysages

Récits - Amérique du sud 4

Mea culpa, suivant les pays les accents sont plus ou moins présents sur les claviers, ce qui explique leur absence dans certains de nos textes. Désolé pour cette difficulté de lecture.

 

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Oyé, le Chili, katchaï que d'histoires! - Sí pô.

Mis en ligne le 28 juin 2012, à Montevideo (Uruguay) 

 

Santiago, qu'il est bon de retrouver Jorge et Galia! Et le petit Santiago de Grenoble, un peu déçu que les chicos soient des vieux... Mais Florent sera y remédier pendant nos vacances à la plage : réconciliation autour d'un apéro le cul sous le sable pendant que les parents préparent salades et gâteaux. Que ce soient Santiago ou Valparaiso, les visites sont avant tout culinaires. Retour aux bonnes habitudes. Même les retrouvailles familiales avec les descendants d'une bisaïeule d'Aurélie émigrée au Chili se font autour de repas gargantuesques (La liste des cousins rencontrés est longue !: Marie-Christine, Eduardo, Monica, Jorge et Isabelle, Patricia, Margarita et Thomas, Michel et Soledad, Roberto et Koni, Ana-Maria et Armando, Vivianne, Andres et Isabelle et j’en oublie certainement). Mais tout n'est pas que nourriture et Jorge prend bien soin que Florent change la guidoline d'Aurélie qui part en lambeau et lui offre, l'air de rien, un joli lot de slips colorés...Chili022.JPG

Les vélos demandent plus de soin que prévu, l'appareil photo décide que le vélo y'a basta, les faux départs se suivent... Mais un jour ça y'est nous reprenons la route. Ruta 5. Pas très drôle, très circulée, vraiment pas agréable malgré la présence d'une large bande d'arrêt d'urgence. Nous passons la première nuit sur un terrain de foot. Le soir, pendant que le village joue, s'entraine, le responsable vient tondre son carré de pelouse. Le matin, un gamin revient nous voir avant d'aller glaner quelques pesos en cueillant de mûres. La spécialité du coin : le lait de chienne en boite (bleue et blanches), vendu dans toutes les bonnes épiceries!

Deuxième nuit à Chimbarongo, capitale de la vannerie. Installation du campement Chili027.JPGdans l'arrière-cour... d'un atelier de vannerie, bien sur ! Le sous-chef s'esclaffe quand on se présente, un jardinier qui s'appelle Florenzio ça c'est trop fort. Il en rigole tout seul en allant chercher des fruits sur un arbuste. " Amour en cage ". Alors là c'est vraiment trop, il téléphone à sa fille qui est un peu perdue quand une française lui dit " Amour en cage ". Sa fille, il en est fière, elle fait des études, elle aura un vrai métier. Elle ne connaitra pas la faim comme lui. Le patron, lui, trouve que les jeunes font trop d'études. A quoi bon puisque de toute façon ils ne trouveront pas de travail et que lui manque de main d'œuvre. D'autres nous dirons que le Chili manque de gens qualifiés, de médecins, d'ingénieurs. Mais le patron, il trouve que le capitalisme ce n'est pas non plus l'idéal. Chacun pour soi pour avoir toujours plus que le voisin. Mieux vaut le communisme. D'ailleurs il a été en Europe et à Cuba et franchement, il vaut mieux Cuba. Les mapuches, des gens qui étaient là avant tout le monde. Les terres prises sous Pinochet devraient leur être rendues. D'un sujet à l'autre, nous en venons au tremblement de terre. 2010, février. Un bruit, énorme. La terre qui se soulève, fait des vagues. S'accrocher aux arbres pour ne pas être emporté. Puis la fin, le silence. Et l'attente de nouvelles secousses, des répliques.

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Nous quittons la 5, direction l'océan. Vignes, vergers de pommes, prunes, kiwis, tomates bordent la route. Puis viennent les vaches et la grande étendue d'eau salée. Tupu, Il y a deux maisons sur les terrains. Une en adobe, en ruine, une seconde, en bois, debout. Nous demandons où nous pouvons planter la tente. Irma ne met pas deux secondes à démasquer notre accent français, et moins de quatre pour embarquer les cyclistes chez elle. En 1973, Irma a fuit le Chili avec son mari et ses enfants. Ils vivaient à Iquique. Dès le lendemain du coup d'Etat, son mari qui travaillait à l'université s'est fait viré. Les descentes dans leur quartier sont devenues de plus en plus nombreuses. Les tires aussi. Et les murs en bois de la maison ont commencé à paraître bien fin... Iquique, c'est le nord, presque le Pérou. Les voisins sont venus en nombre s'installer dans la région. Avec leur faciès pas vraiment métissé, Irma et sa famille tente le coup. Ils vont visiter une parente restée au pays. La voiture Chili035.JPGest petite, la valise encore plus, le douanier chilien croit à leur histoire et les laisse passer. Ils resteront 2 ans à Lima avant de rejoindre la France. Paris, il faut trouver du travail. Irma se fait nourrice dans les beaux quartiers. Les enfants grandissent, sont adultes à leur tour, restent. Trente ans ont passé. Irma ressent le besoin de revenir au pays, d'essayer. Elle s'installe dans le village où elle est née. Celui-là même où les gens voyaient d'un mauvais œil cette fille devenu citadine revenir au village avec pantalons et jupes courtes. Dès les premiers jours de vacances, les habits disparaissaient mystérieusement... Aujourd'hui Irma et chez elles, en pantalon. La vielle maison en terre s'est en grande partie effondrée lors du tremblement de terre. Elle a entendu le bruit et s'est dépêchée de sortir avant que les tuiles se mettent à tomber en pluie. Elle aussi s'est accrochée aux arbres quand la terre s'est mise à onduler. Puis le calme est revenu. Le silence. Et la lune, pleine, énorme dans le ciel. Les villageois ont commencé à monter sur la colline derrière, par crainte d'un tsunami. Irma est restée dans son jardin, trop choquée pour faire le moindre geste. L'eau n'est pas venue. Le lendemain Chili034.JPGdu tremblement de terre, l'armée est descendue dans la rue, pour aider. Il y a eu violence, parfois, pour lutter contre les pillages.  Des images qui ont ravivé de mauvais souvenirs. L'armée a du s'expliquer, se montrer, montrer son bon côté. Aujourd'hui pas de tremblement. C'est la fête au village. Humitas et chicha en attendant le début du concert. " Et nous avons deux jeunes gens venus spécialement de France pour la fête à Tupu! ". En premier viennent les chanteuses locales. Chansons mexicaines et paroles féministes. Allez les filles! On remercie le maire plus qu'il n'en faut...y aurait-il des élections prévues? Retour sous la lune, pleine. L'église évangéliste est toujours pleine. Le pasteur n'a pas encore réussit à entrer dans la maison d'Irma.

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Tupu, Constitution, nous approchons de l'épicentre. L'embouchure du fleuve,  sous le pont, une ile. La nuit du tremblement de terre, des gens y faisaient la fête. Le bruit, la terre qui se secoue. Puis le calme. Il faut fuir. Pas d'embarcation sur les rives. Un homme traverse à la nage. Tous les bateaux sont partis en vu d'une fête qui devait avoir lieu le lendemain dans une autre anse. Il y a aura trois survivants. Deux jeunes montés suffisamment haut dans les eucalyptus pour ne pas être pris par la vague et le nageur. Constitution arbore toujours des drapeaux noirs pour manifester contre un gouvernement qui n'en fait pas assez à son goût.

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Nous continuons sur le bord de mer. La brume monte. La piste part vers des haciendas perdues puis redevient route sous les yeux de lions de mer accrochés, plus ou moins, à leur rocher. Les plus imposants tiennent le haut du pavé, mais les fortes vagues ont vite fait de les faire descendre de leur piédestal. Ha, qu'il est difficile de remonter la pente quand on est aussi gros.

 

Quirihue. Nous campons sur le terrain de producteurs de tomates. La femme fait du pain " amasado ", du pain maison qui se tient et tient au corps. La masure n'a rien à envier à ses congénères de la Sierra péruvienne. Ainsi est le Chili, des hauts et des bas. Au dessus des tables pendent des sacs en plastique transparent. C'est pour éloigner les mouches. L'effet miroir grossissant les fait fuir. Et de fait, malgré la présence de cochons à proximité, pas une mouche!

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Conception. Des gitanes avec des morveux accrochés aux bras lisent l'avenir sur la place d'arme. " Il y a des gitans dans ton pays? Et ils sont habillés comme nous, avec des grandes robes? ". Nous quittons la côte pour nous enfoncer à nouveau dans les terres. D'une vallée à l'autre, les champs laissent place aux arbres. La forêt se fait plus dense.

 

Tintre. Camping à la ferme, heu chez un forestier, fière de nous montrer le journal de l'entreprise. La compagnie travaille dans le respect des mapuches. Certaines parties de forêt ne serait pas touchée pour laisser aux premiers habitants le droit d'exercer leur culte et de cueillir leurs herbes médicinales. Partout ailleurs la forêt n'est que monoculture sous le règne de compagnie toutes plus grandes les unes que les autres. Soirée agréable et séance remerciement du seigneur avant le départ. Le maître de maison a les larmes aux yeux quand il dit espérer qu'Il va réussir à nous mettre dans le droit chemin, il se met à trembler lorsqu'il souhaite que nous trouvions la Voie. Bon, ben on va reprendre la route.

 

Traigen. Joli village aux maisons rieuses et aux rues dépeuplées. Pendant Chili050.JPGqu'Aurélie va sur internet, Florent se fait aborder par un descendant suisse bien content de rencontrer des francophones. Son grand-père a immigré au Chili pensant y trouver l'eldorado. Le gouvernement distribuait des terres en échange de leur exploitation. Une façon simple de coloniser le pays et de s'attribuer les terres prises au mapuches considérés comme vacantes. Mais face aux colons fraîchement débarqués, ce ne sont pas les autochtones qui vont être les plus virulents, la nature fut une arme bien plus efficace. Il a fallut vivre, survivre sous la pluie, dans le froid. Ouvrir des chemins, défricher dans des conditions d´humidité extrême. Les colons ont été décimés par les maladies. De leur côté, malgré une défense farouche, les mapuches ont peu à peu reculé, repoussé toujours plus au sud par l'armée. Dixit le Copec, notre guide de la route chilien, en 1882, le peuple mapuche " arrête enfin sa guerre sanglante en acceptant l'armistice proposé par le gouvernement". Aujourd'hui il est recommandé à l'automobiliste chilien en vacance dans la région de " minimiser l'impact culturel de sa visite. Respecter l'histoire et les valeurs locales et de demander l'autorisation pour prendre des photos. Maintenir une bonne conduite en achetant et en donnant des pourboires " et de rappeler que " la culture mapuche fait partie de notre richesse et de notre diversité ". Aujourd'hui les mapuches ne sont plus vraiment à Traigen. Quelques communautés survivent sur des lopins de terre disséminés sur le territoire. Les villages ressemblent fortement aux " réserves indiennes " nord-américaine. L'alcool et la perte de la culture semble y faire les même ravage.

 

Traigen c'est aussi le village où est arrivée la sœur de l'arrière-grand-mère Chili042.JPGd'Aurélie, son mari et les premiers enfants. Un village aux fortes influences françaises qui a vu naître la première alliance française de l'Amérique du sud sous initiative des aïeux. Un mail de Marie-Christine et Eduardo, les cousins de Santiago : nous avons un cousin à Traigen ! Déjà sur place nous décidons d'aller lui rendre visite. L'homme et la famille sont connus dans le village. Le suisse nous raconte et nous guide. L'aîné dirigeait l'église et le second, dernier vivant de sa génération, habite toujours la grande maison jaune près de la place d'arme. La porte s'ouvre et les explications sont laborieuses. Ce n’est pas tous les jours que l'on a une cousine française qui débarque en vélo sans prévenir! Mais finalement, oui, il avait bien entendu parler d'un couple de cousin qui voyageait en vélo et qui devait être dans la région. Il nous regarde d'un air un peu suspect, mais finalement la conversation s'engage sur le pas de la porte. Comment nous avons eu ses coordonnées? Par Marie-Christine et Eduardo. Eduardo M.? Non, Eduardo J.. Ha, Eduardo J.. Et d'un coup je sens que nous faisons connaissance avec l'autre partie de la famille. Comme dans beaucoup d'endroit les familles se sont divisées pendant ce que les uns appellent la dictature tandis que les autres parlent de période Pinochet. La politique était exclue des Chili053.JPGrencontres familiales, car si par mégarde elle venait sur le tapis, le repas dominical pouvait tourner à la bataille rangée. Ce qui n'empêchait pas les retrouvailles le dimanche suivant. La famille c'est la famille. Mais aujourd'hui pas d'histoires politiques. Andres évoque avec nostalgie le temps où être français s'était faire partie de l'aristocratie chilienne. Il nous dit, avec un peu de fierté dans la voix, avoir débarqué ici à l'âge de deux ans et n'être jamais retourné en France. La nationalité française qu'il a conservée et qui se transmet depuis de génération en génération. Le droit de vote qu’ils ont tous, la pension qu'il touche et les feuilles de remboursement qu'il envoie à la sécurité sociale française. Nous lui disons en rigolant qu'il a de la chance. Nous, ça fait longtemps que nous avons été rayés des fichiers de la Sécu. Trop de temps hors du territoire. Nous pensons aux immigrés venus trimer sur les chantiers français et dont la famille est restée au pays. A l´heure de la retraite, au lieu de se reposer auprès des leurs, ils passent la plus grande partie de l'année dans des foyers d'accueil en France pour ne pas perdre le droit à une pension qu'ils ont amplement mérité. Une histoire de continent, sans doute, ou d'origine...

A 18h il nous faut repartir, la nuit va bientôt tomber. Trouver de l'eau, un endroit pour camper. Andres nous dit que la route est en travaux, nous n'atteindrons sans doute pas le prochain village. Qui plus est, un village mapuche. Ce n'est pas grave, de toute façon nous n'allons pas camper sur la place d'arme! On se dit au-revoir sur la pas de la porte.

 

Remplissage des gourdes au supermarché du coin et, effectivement, la route Chili054.JPGest en travaux. Les champs autour sont en feu. Aucune cause à effet, simplement une façon efficace d'en terminer avec la paille du blé de la saison qui vient de se terminer. Au milieu de la fumée et de la terre noire, la route devient piste caillouteuse. Les roues s'enfoncent dans la côte de plus en plus raide. Où camper? Où aller? Une rangée d'arbre. Sans doute une grande estancia au bout. Nous bravons l'interdiction d'entrée tout en se préparant à l'assaut de molosses enragés. Rien de tout ça. La ferme côté travaux agricoles est déserte. Nous retournons vers la grande maison qui au premier abord nous avait intimidés. Nous sonnons à peu prés sur de se faire éconduire. Une femme ouvre. Nous avons à peine le temps de finir notre phrase qu'elle nous dit, entrez, entrez, venez nous raconter votre histoire. Petit passage aux toilettes pour un rapide décrassage et nous voilà confortablement installé dans un canapé, un verre de bière dans une main, une tartine au bleu dans l'autre! Nous racontons nos histoires, ils nous racontent les leurs. Celle de la famille Camilo. Les origines à Punta Arenas. L'entreprise de transformation de crabes dont a hérité le fils aîné. La fille qui gère l'exploitation de pommes où nous sommes. Le gendre qui a ses propres exploitations un peu plus au nord. Le troisième fils parti a Santiago. Leurs voyages, ceux de la mère et du gendre. Lointains. Et le fils de Punta Arenas qui a vécu en France et qui sera ravi de nous accueillir. Nous repartons après une nuit dans un grand lit, les poches pleines de pommes et de crabes, un avant goût du grand sud! 

 

Trombes d'eau à Chochol. Nous nous réfugions dans le musée mapuche. La gardienne ne parle pas la langue de ses ancêtres. Elle nous dit que les jeunes sont de plus en plus nombreux à partir chercher du travail ailleurs. Mais bien souvent ils reviennent, avec de l'argent, se construire de grandes maisons. Ça fait augmenter le niveau de vie du village.

 

Fini les petites routes de campagne tranquilles, à Temuco nous retrouvons la 5, Chili059.JPGl'artère centrale du Chili. Difficile d'y échapper si l'on veut se rendre dans la région des lacs, sur le piémont des Andes, de l'autre côté du Chili. On aime le doux bruit des moteurs... Mais ça y'est après une nuit passée dans un ranch, le soleil se lève et nous retrouvons la tranquillité. Les vacances scolaires sont terminées et les volcans enneigés se mirent dans les lacs pour notre seul plaisir. Nous innovons dans les lieux de bivouacs. Nous sommes irrésistiblement attirés par les pelouses vertes et plates des aéroports... Le chic de Villarica, celui de Panuipulli gardé par Miguel et Exilda et plus tard le terrain, plutôt vague, de Castro, sur l'ile de Chiloé. Miguel et Exilda nous invitent à partager un bout de pain amasado et nous racontent leur arrivée chez les aviateurs. Un poste politique comme ils nous disent. L'ancien patron de Miguel est devenu maire et a placé ses amis. C'est tout simple. Ils savent qu’aux prochaines élections, il faudra s'en doute chercher un autre travail. Mais ils ne se font pas de soucis. Ils ont gagné la confiance des riches aviateurs toujours en quêtent de gardiens pour leur maison de campagne.

 

Retour sur la 5. Plus rapide pour rejoindre les lacs plus au sud, Puerto Octay, Chili067.JPGPuerto Varas. Nous entrons dans la région aux peuplements allemands et suisses. Les maisons en bois deviennent plus sophistiquées. Les productions se tournent vers la saucisse. Toujours la même histoire avec la recette de l'arrière-grand-père allemand qui doit se retourner dans sa tombe en voyant la couleur des cecinas! Les vaches sont dans l'herbe grasse et Nestlé prend dans ses mailles toutes les fermes de la région. Nous campons sur la pelouse d'un producteur de saucisses. Une petite brise nous refroidit les os, mais la bâche à eau est pleine et une petite douche ça fait tellement de bien...quand c'est fini. Nous regardons les fenêtres de la maison avec envie. Notre regard sur le paysage, surtout urbain, change. Avant nous regardions en souriant un parc, une pelouse, " nice place to camp ". Aujourd'hui, nous ne voyons que les immeubles, les maisons vident qui pourraient accueillir les personnes sans logement. Parfois nous nous sentons plus proche des gens de la rue que des Chili073.JPGvoyageurs. Après tout, nous sommes nous aussi des Sans Domicile Fixe. Si nos mamans nous avaient vues parfois... Mais il y a une différence, et de taille, nous l'avons choisi et nous aurions la possibilité de vivre autrement. Et il y a un poêle et une cheminée qui nous attendent en France! Et puis nous gardons nos têtes de voyageurs. On vient plus facilement en aide à un gars monté sur deux roues qu'à un tas de guenilles au coin de la rue. Et pourtant qui aurait le plus besoin d'aide? Así es, comme il dirait dans le nord. Pour cela nous essayons d'apprécier chaque sourire, d'échanger avec chaque main tendue et nous espérons ne jamais oublier les difficultés de la route et le froid de la rue pour tendre la main à notre tour.

 

La route, les panneaux publicitaires se font le reflet du paysages et...de ce qu'il y a dans notre assiette. Après les herbicides vantés au milieu des vergers et vignes du nord, nous nous trouvons au pays des compléments alimentaires pour bovins. " XXX le nouveau liquide alimentaire pour veau, meilleur que le lait de vache. Maman donne moi du XXX! ". Au sud, Erox fera des miracles pour votre exploitation " Pour vendre vos saumons, il vous faut des saumons colorés, donnez leur Erox ". Chili076.JPG

   

Puerto Montt, nous sommes accueillis par Cecilia et ses garçons, d'autres descendants de la sœur de l'arrière-grand-mère. Visite du beau marché achalandé par les ilotiers. Que ce soit les fruits, légumes ou poissons et fruit de mer, tout arrive par bateaux depuis Chiloé et les autres îles. Petite visite au frère qui essaye de nous mettre dans son avion de tourisme. Ha, la Patagonie vu du ciel... Non, non, non, nous continuerons à pédales!

 

Nous quittons le continent pour l'ile de Chiloé. Passage rapide sur l'ile, nous Chili100.JPGavons peur de l'hiver qui nous rattrape. Nous ne prenons pas le temps de nous imprégner de l'ambiance mystique de l'ile. Pas de détours pour aller voir les manchots. Nous accordons seulement une petite visite aux églises pas trop éloignées de notre route. Non, non, nous ne cherchons pas la Voie, nous sommes seulement là pour admirer le travail des charpentiers de l'école de Chiloé.

 

Quillon. Bout de l’île, nous retournons sur le continent à l’attaque de la Carretera austral.

 

 

Carretera Austral, quand les roues vacillentCarreteraAustrale001-copie-1.JPG

 

Chaitén est sous les cendres. Nous l’avions oublié, les réveil du volcan en 2008 et 2009. Il est 5h, Chaitén dort. Les cyclistes jouent les fantômes dans cette ville où cendre et brouillard se mélangent. De la fumée, un robinet d’eau. Une dame surprise de ma question. Oui, bien sur qu’il y a des gens ici. Vous allez les voir dès que le soleil va sortir. Ha bon, ils sont cachés dans le brouillard ? Le soleil sort, les cyclistes prennent la route. Grand beau et vent de dos pour les quarante premiers kilomètres d’asphalte. Un bon début pour la Carretera austral ! Les montagnes se couvrent et se découvrent, brouillard, CarreteraAustrale014.JPGglaciers. La végétation est luxuriante au pays de l’eau. Puis les difficultés  commencent, la piste, les travaux, la pente. Ha, les pentes chiliennes, tout un  roman ! Une autre histoire, celle d’un pays qui a du passer de la colonisation à pied au 4x4 à gros moteur sans connaitre la case déplacement avec ânes. Les cyclos souffrent...mais ne descendent pas de la selle ! Nous passons la première nuit entre maison abandonnée et bambous. Ce qu’il ne faut surtout pas faire. Nous sommes au pays du virus hanta, maladie transmise par les excréments de rats à grande queue. Une maladie qui s’attaque aux voies respiratoires et qui, si elle n’est pas prise à temps, peut-être mortelle en quelques heures. Les bambous attirent les rats, les maisons abandonnées sont leur domaine, et nous on tente de suivre les recommandations...un terrain bien aéré, protégé par les rayons du soleil qui brûlent le méchant virus...entre bambous et cabanes.CarreteraAustrale008.JPG

 


La Carretera austral, pays d’eau, pays de rivières. Nuit sous le pont de la Junta. Flo sort la canne à pêche offerte par des cyclos suisses quelques jours plus tôt. Première tentative. A peine le temps de comprendre comment ça marche que le poisson mort ! La chance du débutant qui améliore les pâtes. Hum, la bonne petite truite marron...

 

Carretera austral, pays de barrières. Cyclo pris au piège entre deux lignes CarreteraAustrale015.JPGcontinues de barbelés cadenassées. Animal enfermé sur la route. Une échappée possible : l’ancienne route. Cercle de pierres, nous ne sommes pas les premiers...auraient-ils la même tente que nous ? Pas de fermes, pas de véhicule, saut de barrière. Pelouse au bord du ruisseau. Un drôle de petit animal sur le sentier. La moufette tape du pied, nous cris dessus pas contente de nous voir sur son chemin. Sur de son droit et pas impressionnée pour deux sous, elle se met sur ces deux pattes et montre les poings. Oulla, oui on te laisse le droit de passage ! Aux petites heures du matin. Des bruits de sabots sur le pont en bois. Sur le cheval, un gaucho au béret, proprio du terrain, ne montre pas trop de surprise à nous voir là. Il s’excuse, nous laisse, il doit aller chercher ses vaches parties en vadrouille. Finalement les cadenas, ce n’est pas trop grave !

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Le col Queulat, 17 lacets. Ça monte bien et vite ! En haut de la côte nous rattrapons celui qui laisse des traces depuis la veille. Un cyclo chilien qui explore tout les recoins de la route. Nous le quittons pour aller camper près du poste de santé, au milieu des combats de chiens de Villa Amengual. Levé dans le brouillard vivifiant. Barrage à la sortie de la ville. Les activistes se réchauffent au maté. Depuis plusieurs semaines la région d’Aysén est en ébullition. Les routes sont coupées, les ports bloqués, les vivres n’arrivent plus. Les habitants en ont marre de la vie chère. Nous posons des questions sur les revendications. Les réponses sont vagues, mais ils sont prêts à en découdre ! Les voitures commencent à faire la queue pendant que les cyclos font le tour des tas de pneus. Nous rencontrons notre première cyclo venue du sud. Tamara nous raconte l’entrée sur la Carretera austral, les cyclistes bloqués entre les deux lacs sur la frontière argentino-chilienne parce que l’essence n’arrive plus jusqu’à Villa O’Higgins, dernier village chilien de la route, et que par conséquent les bateaux ne peuvent plus assurer les allers-retours sur le lac. 10 jours à entendre, demain, c’est sur, le bateau vient, et à regarder les vivres diminuer. Mais l’essence a fini par arriver et Tamara est la première cyclo du bateau que nous croisons. Elle nous conseille néanmoins de bien se renseigner sur les départs de bateau pour la traversée des lacs (l’un chilien, O´Higgins, l’autres argentin, del Desierto) et de faire attention : les gens ont la fâcheuse tendance à dire ce que tu veux entendre, quitte à arranger un peu la vérité.CarreteraAustrale021.JPG

 

Un peu plus loin nous rattrapons des cavaliers, touristes que nous avons presque pris pour des gauchos, jusqu’à que ce que l’accent allemand pointe son nez et que Sylvain propose, en français, un échange de monture. Florent décline tout de suite et Aurélie change un deux roues pour un quatre pattes ! Un quart d’heure pour se rendre compte que ce qu’il y a de bien dans le vélo c’est son absence d’initiative et de réaction face aux voitures...

 

La journée est tranquille. Les routes sont barrées. L’asphalte appartient aux CarreteraAustrale024.JPG cyclistes ! Villa Mañihuales. Une fumée noire barre l’entrée du village. Les activistes sont en formes. Où sont les carabineros ? Où sont les carabineros ? Ils nous indiquent le fossé pour passer et nous nous retrouvons face à une autre barricade. Le tas de pneu bloque le pont. Pas encore de flamme ici. On nous aide à passer au dessus des flaques d’essence. De l’autre côté deux cyclos allemands dubitatifs. Passera, passera pas, passera, passera pas. Trop tard, l’allumette craque ! Cette nuit nous sommes invités à dormir dans la casa de ciclista de Jorge, pasteur évangéliste, avec deux autres ch'ti cyclos-forestiers, Martin et Simon. Dans la soirée, Jorge tente une médiation entre la population et les carabineros. Mais les gens veulent en découdre et les pierres volent. La femme de Jorge est en pleur, elle a peur. Jorge, les yeux rougis par les gaz lacrymogène, nous dit que ceci n’est rien par rapport à ce qu’il a pu vivre dans les favelas de Rio. Dans la Cité de Dieu, ne vivent pas que des anges...

Le lendemain, grand calme dans le village. Les adultes se reposent. Les enfants ne vont pas à l’école. La rentrée a été retardée d’un mois à cause des blocages. Un gamin vient faire réparer son vélo dans l’atelier improvisé de Jorge. Il a huit ans. Jorge espère que cette année ses parents vont accepter de l’envoyer à l’école.

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Départ dans le vent. On le savait ! Ce vent qui se lève en milieu de journée et forcit jusqu’à la nuit. Ce fameux vent du nord qui fait pester tous les cyclos venus du sud. Ce vent qui n’est ni du nord, ni du sud, mais de l’ouest et qui suivant l’orientation des vallées dans lesquelles il s’engouffre en venant de la mer, donne l’impression de venir du nord ou du sud. Rencontre de cyclos-pêcheurs. Paul et Kelley nous apprennent le nom du poisson pêché quelques jours plus tôt : Brown trout, la truite marron.

Nous arrivons à Coyhaique, ville la plus importante de la région, après la bataille. L’Unimarc, supermarché national, s’est fait caillassé. Son voisin a les rayons pleins et donne des tickets de caisse avec le logo....Unimarc. Un même propriétaire pour deux noms ? Les commerçants affichent leur soutient à la cause. "Aysén, tu problema es mi problema". Les banques se barricadent derrière des planches en bois et les cyclos font le plein de provision pour CarreteraAustrale027.JPG attaquer la dernière partie de la Carretera austral. Nous rencontrons les derniers cyclos du bateau, Katharina et Yves, et nous nous renseignons sur les bateaux. Apriori, il y a une traversée du lac O’Higgins prévue le 30 mars, une autre le 7 avril et une troisième le 14. Côté argentin, la dernière traversée de la saison est pour le 30 mars, mais nous savons qu’il y a une possibilité, difficile mais faisable, de contourner le lac par un sentier.

Petit tour à la station essence avant de sortir de la ville. Plus d'essence ! Et pourtant la ville est remplie de voitures qui circulent... Après négociations et en cachette des automobilistes, nous réussissons à partir avec un litre pour le grand sud.

 

Il n'y a pas ou peu de villages sur la carte. Pourtant la campagne est habitée. CarreteraAustrale033.JPGPlus que nous le croyions. Quelques habitations disséminées le long de la route. D'autres cachées plus loin dans les vallées. Des gens attendent un bus. A combien de kilomètres se trouve la première école? Nous croisons un cyclo chargé, très chargé. Trop chargé pour s'arrêter. Flo fait de nouvelles tentatives de pêche….infructueuse. La chance du débutant ne joue plus ! Mais nous continuons de chercher les ponts pour la nuit. On y trouve moins de barrières et de l’eau pour la douche journalière. Dans le froid patagon, le plus dure est de se déshabiller et de se mettre dans l’eau des torrents tout droit sortis des glaciers. Tout est question de technique et de vitesse. Se mouiller, retirer les pieds de l’eau avant que le froid ne coupe le souffle, se mettre à l’abri du vent, se savonner, se rincer et, petit miracle de la nature, une espèce de protection se met sur la peau et on devient  insensible au froid…pour quelques minutes. Vite, vite, se sécher, s’habiller, ou recommencer ! Pour les cheveux cette fois, parce que les deux à la fois c’est risquer la perte de conscience ! Trouver son équilibre entre les cailloux, se tenir, plonger la tête dans l’eau, la relever avant que le froid ne la fasse exploser, savonner, rincer. Et voilà tout beau tout propre, prêt pour le repas chez l’ambassadeur. Comment ça il n’y a pas de d’ambassadeur dans le froid patagon ??

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Il fait froid, un peu, mais pas de pluie, le soleil et avec nous et le vent ne nous empêche pas trop d’avancer. Les barrières se font moins agressives. Le paysage change, devient plus sec. La rain forest et ses feuilles géantes laisse place à une végétation plus méditerranéenne. C’est les vacances !

 

Il fait beau. Nous roulons bien. Nous sommes dans les temps pour attraper le bateau à Villa O`Higgins. Trop beau. Une descente, de la tôle ondulée de plus en plus prononcée. Concentration sur la route pour freiner, ne pas tomber, éviter les trous, le bruit, le vent. La voiture a un mètre. Freine ! Je sais que tu ne vas pas freiner. Je n’arrive pas à me déporter sur la droite. La voiture double. Trop prêt, pas la place, bordel! Un trou de plus me propulse contre l’aile. Pif paf boum vlan badaboum, Aurélie à terre.  La carrosserie. Ne pas mettre la tête au sol, la roue arrière n’est pas encore passée. Je crie, je suis là, arrêtez-vous ! Je bouge, me relève, le vélo reste à terre. Des égratignures, de gros bleus. Le vélo ne peut plus rouler. Pas une des deux roues ne peut tourner. Pour la première fois jeCarreteraAustrale018.JPG me sens loin de tout. Je me sens orpheline sans mon vélo. Je ne lui ai jamais donné de nom. Ce n’était après tout qu’un tas de ferraille, un objet utilitaire. Mais c’est lui qui m’a permise d’arrivée jusque là, de vivre toutes ces aventures, de rencontrer tous ces gens. Sans lui je me sens bloquée sur cette route perdue. Le voyage s’arrête là. Finalement quatre ans de relation physique ça marque le psychisme ! Heureusement, mon vélo a son binôme et moi mon compagnon de route. Arrivé quelque secondes après l’accident, Flo prend les choses en mains. Vérifie la machine humaine, ça a l’aire de marcher à peut prêt. La machine d’acier, c’est plus compliqué… au premier abord ça parait même fatal… Il nous impose, le vélo et moi, dans le véhicule des gens qui m’ont renversée et envoie tout le monde au poste de santé le plus proche. Puerto Murta, le village où ils vivent. Samedi, le poste est fermé et l’infirmière absente pour les urgences. Je ne parle pas trop, les gens de la voiture non plus. Flo arrive et parle pour nous tous. Un bout de pain et un petit thé pour l’accidentée, s'il vous plait. La nécessité de rester, réparer le vélo, enfin ce qui est possible. Le mari nous propose de rester chez eux. Ils ont une chambre, deux lits et plus d’enfants à la maison. Flo fait un rapide état des lieux : le cadre a l’air ok, mais roue arrière foutue (costaux, pas un rayon de cassé, mais jante complètement tordue), fourche tordue, roue avant peut être récupérable (à dévoiler), pédale tordu, porte-bagages avant et arrière cassés (ça on a l'habitude…), moyeu arrière qui grince. Bref impossible de rouler. Je me sens nulle. Je m’en veux d’avoir roulé au milieu de cette piste, de ne pas avoir entendu la voiture, de ne pas avoir jeté un coup d’œil par-dessus mon épaule. La voiture, ce sont des gens du coin. Moi je ne suis pas d’ici je n’avais rien à faire là. Les ailes que nous nous sentions pousser la veille sont restées sur la piste. Flo me promet que nous fêterons mes trente ans à Ushuaia. 

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Dimanche, Flo essaye de faire tout ce qui est possible dans le village : chercher des roues de rechange, rien, une fourche de rechange, rien, pédales, idem. Le porte-bagage sera soudé…à la barbare. Les gens ne nous croient jamais quand on leur dit qu’il faut y aller mollo. Mais ils sont creux vos tubes ! Et oui, qu’est ce qu’on vous disait… Pendant ce temps j’essaye de contacter les cyclos rencontrés. Plusieurs nous ont parlé d’un couple de malvoyants voyageant en tandem et bloqué à Coyhaique à cause de problèmes techniques. Depuis qu’ils sont là-bas, ils doivent connaître toutes les boutiques de la ville. Les personnes à contacter pour savoir quoi chercher où pour essayer de me refaire une monture qui roule. Et le miracle de la technologie opère. Alors que je nous croyais perdu sur la Carretera austral, je finis par pouvoir discuter avec Tauru que je n'ai jamais vu ! Il me rassure, me dit que d’après ce que je lui décris, on devrait pouvoir tout trouver à Coyhaique. Tant que les dégâts ne sont que matériel, il n’y a pas à s’en faire. Il a une énergie qui arrive même à passer au travers des ondes internet ! Ça fait du bien. Je penserai souvent à eux et à leur mauvaise vue en rebondissant sur les cailloux. De sacrés aventuriers !

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Lundi, Flo part au petit matin avec le petit fils d’Hector et Veronica. Cinq heures de camions pour atteindre Coyhaique et ses manifestants. Départ de la ville prévu pour 14h. Il faut faire vite ! 8h le vélociste n’a pas encore ouvert. Florent court faire des courses, chocolat pour le moral, flocons d'avoine pour le petit dèj’. 8h20 retour chez le vélociste. Roue avant récupérée, roue arrière foutue, enfin pour la jante, parce que le moyeu, c’est sûr, on le récupère, quand aux rayons, le mécano trouve qu’ils sont vraiment trop bons pour être jetés, on réutilise. Les pédales, ok. La fourche, ahhhhh, y’en pas, pas, pas. Mais si le mécano, se souvient d’un vieux vélo à lui qu’il voulait refaire. Il a une fourche qui devrait faire l’affaire. Part, revient. Ahhhh, pas la bonne taille. Mais si regarde, hop un tube, hop soudure, hop c’est bon. Découpage et ressoudage des attaches pour le porte bagage et ça tourne ! Flo laisse travailler le mécano et va faire un tour chez les cyclos. Bonne humeur qui remonte le moral. Dommage que ce soit si court, il faut retrouver le camion. Coup de fil au petit-fils. Il n’est pas encore prêt, toujours des trucs à faire en ville. Le rappeler à 15h30 pour se fixer un lieu de rendez-vous. 14h30, Flo passe voir les carabineros pour savoir s’ils ont des infos pour les bateaux de Villa O’Higgins. Le carabinier appelle. Allo, Allo. Il regarde le combiné, le retourne (!!!). Allo, allo. Oui, oui bateau le 7 et le 14 mars. 15h. Flo rappelle le petit-fils. Pas de réponse. 15h15 des gens se regroupent dans le centre ville. 15h30. Flo appelle, Pas de réponse. 15h45 Hector, Appelle Flo. 15h46 Hector appelle son petit-fils, pas de réponse. 15h50, Flo appelle, rien. 15h55, Hector CarreteraAustrale039.JPGappelle, rien. 16h00, la femme du petit-fils appelle, rien. 16h05, Flo, rien. Hector, rien. La femme, rien. La sœur, rien. Rien, rien, rien. 16h30. Regroupement. Aysén a obtenu gain de cause, le prix de l’essence va baisser, des programmes sociaux vont être mis en place. Le porte-parole revient au pays. La population fête son retour en manifestant….en voiture ! 17h, la sortie de la ville est bloquée par la manifestation. 17h30, Flo, Hector, la femme, la sœur, tous appelle. Rien, rien, rien. Le Camion a disparu. 18h, la mère du petit-fils appelle son mari, elle est bloquée à Coyhaique et aura du retard. Il y a de la place dans la voiture ? Oui. Alors prend le jeune qui est au bord de la route avec ses deux roues. La mère est à l’arrière, au volant un jeune du village, à ses côtés sa sœur avec son bébé. La voiture va vite, trop vite, coupe les virages. Stop. Tu as quel âge ? 17 ans. (!!) tu as le permis ? Non. Ça sert à rien ici, y’a pas de contrôle. Ok, mais là, dans la voiture tu es en charge de quatre vies en plus de la tienne, sans compter celles qui sont sur la route. Donc tu lève le pied et tu conduis correctement sans couper les virages. OK. La flèche redescend. La voiture passe devant Saint Sébastien, le saint des conducteurs. La mère «  stop, il faut mettre un cierge ». Et Flo de se demander où est le saint des cyclos…. 21h00 la voiture double le camion. 22h30 retour à Murta. Flo nous raconte sa journée en dévorant le gratin dauphinois loupé. 23h30 le camion arrive. Le Petit-fils entre, rien. Veronica de s’empresser de dire que c’était son CarreteraAustrale037.JPGtéléphone  qui devait être déchargé. Rien. Pas un mot à Flo. Rien.

  

Mardi. Flo remonte le vélo. La peinture de la fourche qui ne veut pas sécher, le porte bagage qui ne veut plus se mettre sur les accroches, le moyeu qui a un peu de jeu, la roue montée un peu voilée, mais ça roule. Test. Ahhhhhh, la manivelle de la pédale gauche est tordue. Ahhhhh, le genou foutu si on repart comme ça. Vas-y que je te met ça dans l’étau, un peu plus, un peu moins, trop fort, pas assez. Oui, non, je ne sais plus. C’est moi qui ais les pieds tordus, ou c’est le vélo ?

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Mercredi, ça y’est c’est repartis ! Un coup, deux coup, trois coup sur la manivelle et on y va. Il est 15h, ce n’est pas grave, le cul sur la selle, le morale revient !

Pas fait dix bornes que nous voyons au loin un camion au profil connu. Les francs-comtois ! On les avait rencontrés au Nicaragua, on les retrouve au Chili. Super soirée dans leur petite maison roulante avec un petit vin du bout du monde, histoire de nous donner envie de poursuivre la route jusqu’au bout.

Les batteries rechargées nous repartons à l’attaque de la route et nous croisons la deuxième vague de cyclos descendue du bateau quelques jours CarreteraAustrale050.JPGplus tôt : Bernard et Priscilla d’Albertville, Viky et Enrik, et la  fr">famille Menu, Suisse de son Etat. Deux parents, deux enfants, qui n’ont pas froid aux yeux sur les montagnes russes de Patagonie !  Sur les rives du lac General Carrera, le soleil brille, l’eau est bleue, et l’on a du mal à croire les descriptions de trombes d’eau et de froid humide sensés nous attendre plus au sud.

 

Cochrane. Nous avons une décision à prendre. Continuer sur la Carretera en espérant qu’il y a effectivement un bateau qui traverse le lac O’Higgins et que le sentier pour longer le lac du désert n’est pas si pire (nous savons déjà que nous n’arriverons pas à temps pour une traversée en bateau) ou quitter la Carretera pour aller directement en Argentine par le col Roballo. Prendre des décisions n’a jamais été notre fort et les choses ont empiré avec les années… nous repoussons la décision au lendemain matin.

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Réveil en forme, on se sent d’attaque pour le sentier, nous avons envie d’aller voir Caleta Tortel et surtout, le propriétaire du Camping El Mosco, à Villa O’Higgins, nous a assuré d’une traversée pour le 7 mars et peut-être une autre le 14. En plus la météo annonce au moins trois jours de beau. Alors c’est décidé nous restons côté chilien. Le soleil nous suit, le vent se met de face et nous terminons la journée par une baignade glaciale. Brrrr.

 

Le lendemain le temps change, vire au gris puis à la pluie. Rencontre de la troisième vague de cyclos. Thomas et Baptiste nous disent avoir pris le dernier bateau de la saison…. Pardon ! Oui dixit le patron, plus de bateau. Mais El Mosco nous a dit que. Alors si El Mosco a dit, ce doit être vrai, El Mosco a l’air de savoir ce qu’il dit. Glups. CarreteraAustrale070.JPGCoup de pédale anxieux vers Caleta Tortel. Nous plantons la tente sur une belle pelouse au bord du Rio Baker. Sur un point un peu en hauteur, parce que c'est plus sec, près d’une vieille charrette  posée là depuis des lustres sans doute. Dans la nuit, des bruits d’eau. Le lendemain nous ouvrons la tente avec le soleil : Nous sommes sur une île ! Le Baker a débordé et nous sommes entourés d’eau ! A cinq mètres le courant transporte les troncs d’arbres à toute vitesse. Il s’en est fallut de peu. La veille au soir un barrage naturel a cédé, lâchant les eaux d’un petit lac. Le débit du rio est passé de 900m3/s a 3000m3/s!!! Ça fait de jolies photos…. Et les cyclos de se mettre en culotte pour rejoindre la rive...

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Caleta Tortel. Village construit sur les rives pentues du fjord. Les rues sont des passerelles qui unifient les moyens de locomotion : tout le monde à pied ! L’office de tourisme se renseigne pour nous. Effectivement, il n’y plus de bateau touristique pour traverser le lac O’Higgins, mais il y a la lancha subventionnée qui sort le 7 mars pour transporter les locaux. Elle peut emmener 12 personnes avec priorité aux locaux. La dame de l’office de tourisme nous dit de tenter notre chance, qu'il n'y a presque personne qui habite autour du lac, que les enfants sont tous à l'internat et ne vont pas rentrer un samedi, que très peu de personne prenne cette barque et que, sûr, il y aura de la place pour nous.CarreteraAustrale084.JPG

.... bref on tente notre chance. On repart, le vent se lève, la pluie arrive, nous rencontrons les autres cyclos de la troisième vague, des italiens, des autrichiens, des américains... même sous le mauvais temps il y du monde pour pédaler, c'est l'autoroute des cyclos ici! Mais ça a un côté utile pour connaitre les refuges en cas de pluie et ça nous donne l'énergie pour arriver trempés...dans un campement militaire. Le soldat de service nous ouvre un dortoir et nous offre une douche chaude. Les fesses au sec, nous écoutons la tempête qui fait rage dehors...

 

Avec le jour nouveau, le vent est presque tombé, CarreteraAustrale085.JPGla pluie s'est calmée, c'est l'heure d'aller prendre la barcasa pour traverser un bras du fjord Mitchel. Les locaux nous confirment qu'il n'y a pas de soucis, il y aura de la place pour nous sur la lancha du lac. De l'autre côté du fjord encore des vélos....dans des pick-up. Pique-nique, on repart, toujours vers le sud. Objectif : col + refuge. Un chien nous suit. C'est plat. Quelques bicoques. Mais que font les gens ici??? Ça monte. On croit passer le col, mais non de l'autre côté on rejoint la même rivière, on continue de monter, on ne sait pas où est le col, on ne sait pas où est le refuge, le chien est toujours là. La nuit arrive. Quelques cabanes, personne. L’une d'elle est ouverte, propre et bien aérée. On s'y pose. Le chien reste dehors. Il pue trop. Le matin rebelote, le vent s'est calmé, la pluie aussi. On repart, le chien dans nos roues. Nous étions à 3 km du col et à 6 du refuge avec poêle! Así es. 

Objectif du jour : Villa O´Higgins. Mais à nouveau stoppés par la pluie et une cabane tombée à pic, nous n'atteignons pas le village. Ce n’est pas grave,  belle pelouse, belle cabane, on va frapper. Le gars n'est que le gardien et ne peut pas nous laisser camper sur le terrain, mais il nous propose de planter la tente de l'autre côté de la route et de venir nous réchauffer chez lui. On court se mettre près du poêle et lui de nous servir chocolat chaud et sopaipilla, de la pâte à pain cuite dans de la CarreteraAustrale088.JPGgraisse de vache ou de cochon. Un régal! Sa femme revient du village après s'être faite soignée d'un mauvais coup de hache sur le pied. Elle est bien contente de revenir au campo parce que le village c'est ennuyeux et il y a trop de monde (400 habitants, animaux compris vu le peu de monde que l'on y verra...). On discute et elle nous invite à diner un repas de viande parce que le lendemain c'est vendredi saint et que l'on ne va pas pouvoir manger de viande et ça c'est  grave. Alors nous faisons le plein de protéines avec Alejandro et Lucila. Le lendemain c'est le mate, l'herbe du sud (en faite un arbuste) pris en infusion  dans un mate (et oui c'est le même nom pour le récipient) et bu à travers une bombilla, sorte de grosse paille filtrante, pour se réveiller et tartines et muesli pour l'énergie. C'est quoi le meilleur les sopaipilla d'Alejandro ou le pain de Lucila? heu.... Comme les autres, ils nous disent qu'il y aura de la place pour nous sur la lancha de samedi. Ils nous donnent le nom du capitaine et nous parlent aussi d'une autre barcasa subventionnée qui sortira lundi pour transporter du bois et des animaux. Derniers kilomètres avant Villa, le chien est toujours avec nous. Comme c'est un chien chilien nous l'appelons Georges.

 

Villa, nous courons faire les courses avant la fermeture des épiceries et un CarreteraAustrale092.JPGgrand gars vient nous voir, lui aussi cyclo, et lui aussi avec sa copine va vers le sud. Les espagno-chiliens! On nous avait bien parlé d'eux, mais on n'arrivait pas trop à voir leurs traces.

Ensemble nous allons voir le capitaine de la lancha du lendemain, samedi, Pirinchi de son surnom. Vu les abords de la maison on se demande si c'est une bonne idée de monter avec lui. De toute façon il nous annonce qu'il est complet ! Comment ca complet ??? oui complet, les habitants qui sont venu la semaine dernière qui veulent repartir cette semaine, la famille qui vient en visite pour la semaine sainte... Pu... de semaine sainte, elle l'est pas pour tout le monde !

Ok Ok, réfléchissons quelles sont les alternatives : finalement Pirinchi nous ment, la lancha n'est pas complète et on peut partir, on peut prendre la barcasa de lundi; ou passer le col Mayer, un peu de piste, une petite passerelle, un peu de sentier et à nouveau la piste pour rejoindre la route 40 côté argentin. La route n'est pas sur les cartes, mais il y a des douaniers qui restent là-haut toute l'année. Así es. Mais comme on vient de se faire inviter à manger, on décide d'aller reposer le cerveau avec Daniel et Fernanda. CarreteraAustrale094.JPGDaniel est chilien et a habité cinq ans à Grenoble. Multilingues, il a fait quelques mois de légion étrangère et aujourd'hui il est administrateur de la Lodge la plus chic du village. Bref on mange des pizzas, des clients arrivent et nous on va essayer de régler nos problèmes de lac. En une après-midi nous avons vu la moitié du village. Pirinchi qui n'a toujours pas de place. Le capitaine de la barcasa qui veut bien nous prendre mais qui lundi va d'abord à Ventisquero Chico et mardi sur le chemin du retour passe par Candelaria, là où nous voulons être déposés. C'est lui qui jusqu'à février dernier faisait la lancha subventionnée, mais aujourd'hui il n'a plus le contrat. Il commence à nous dire qu'il va falloir payer la moitié pour payer la nourriture des matelots. La moitié de quoi? La moitié. La moitié de quoi, la barcasa subventionnée est gratuite pour les passagers! La moitie du prix du bateau touristique. Petite mise au point et il finit par nous dire que c'est bon si on n’a pas d'argent c'est gratuit, que des fois les gens ont de l'argent et peuvent payer. On demande pour les espagnols, c'est non.  Normalement il peut prendre douze passagers, mais comme on va passer une nuit sur le bateau, blablablabla, c'est non. Et puis faut que j'aille voir mon film alors chao à lundi. Retour chez Pirinchi, encore plus complet qu'avant. Les carabineros nous décrivent la route jusqu'au col et nous confirment la présence des douaniers. Sympathiques. Ils nous envoient chez le sergent marin, c'est lui qui donne les autorisations de sortie des bateaux et qui peut donner la permission d'embarquer plus de passagers. C'est non, si la lancha est complète, elle est complète. Dans ce village si tu commences à faire une exception c'est foutu et ça on veut bien le croire. Villa O'Higgins, fin de la route, fin du monde, la pluie, les montagnes, les glaciers, on prend des photos on dira que c'est Ushuaia et tous le monde nous croira. 

Il fait nuit, nous nous lançons dans une énième quiche pendant que Daniel et Fernanda s'occupent de leur clients. Dans ce village de fou, le plus fou c'est de finir la journée par un bain de minuit dans un spa sous les étoiles de Patagonie !

 

Samedi matin. Marc et Indira ont décidé de tenter leur chance par le lac. Ils CarreteraAustrale095.JPGn’étaient pas très chauds pour faire le tour du lac du désert par les sentiers, mais notre présence les a remotivés. Ils veulent faire intervenir le maire pour qu'il appuie leur demande auprès de la barcasa de lundi (celle de Pirinchi est déjà partie complète). Ils auront la réponse à 16h. Nous on les aime bien et on voudrait bien faire un bout de route ensemble. On est un peu pareil. Quatre ans sur la route, l'envie de rentrer, se poser, le sentiment d'avoir pas mal d'embuches sur cette fin de voyage, le Chili qui n'est vraiment pas le pays de nos rêves... bref on espère que San Expedito va faire quelque chose pour nous. Matinée à faire la vaisselle et les chambres et après-midi pêche en kayak sur le lac des cygnes. Et oui. C'est l'agence PPP, y'a deux trucs qu'on sait faire pédaler et pagayer et on le troisième on l'apprend : pêcher. Deux belles truites pour le repas du soir !

Sur le retour, visite à Marc et Indira. Il faut qu'ils aillent discuter directement avec le capitaine de la barcasa (Surnom : Chichero, de chicha, boisson fermentée et alcoolisée...). La lancha de Pirinchi a coulé!!!!! Enfin pas tout a fait, mais elle a perdu son gouvernail et ils ont du envoyer le bateau touristique pour la remorquer. D'après le proprio de la pension de Marc et Indira, il se dit qu'un français aurait  jeté un mauvais sort....

 

Dimanche, grasse mat’. Flo apprend à pêcher à la mouche. Chichero accepte Marc et Indira à bord, il nous faudra juste passer la nuit de lundi à mardi à terre. Pas de soucis ! George est toujours là. A l’affut pour nous rejoindre dès que nous sortons de la maison. Nous pensons à publier une annonce…

 

Chien cherche famille d'accueil pour l'hiverCarreteraAustrale091.JPG

Je m'appelle Georges. Je suis de contact facile, mange peu, me contente de l'eau des ruisseaux, dors dans l'herbe, même sous la pluie. J'apprécie beaucoup la compagnie des cyclistes, mais déteste les voitures contre lesquels j'aboie systématiquement. Je n'ai pas beaucoup d'amis dans le village, mais je me tiens tranquille (surtout depuis que mon compagnon Florent m'a conseillé de ne pas chercher les embrouilles). Lorsque j'accompagne un couple de cyclos, j’attends toujours le dernier. S'il m'arrive d'aller un peu plus vite avec le premier je fais toujours attention d'avoir le deuxième en vu et l'attend si je sens qu'il y a un souci. Je ne m'impose pas sous la tente ou dans la maison d'autrui, j'attend patiemment dehors mais suis toujours content de retrouver mes compagnons de route que j'accompagne partout.

Je m'appelle Georges et je cherche une famille d'accueil pour cet hiver en attendant l'arrivée des prochains cyclistes et reprendre mais aller-retour entre le lac et le fjord. 

Je m'appelle Georges et je cherche une famille d'accueil.

Je m'appelle Georges.

 

Lundi. Grand départ !CarreteraAustrale101.JPG

Tout le monde sur le pont. Il faut charger les bottes de foins, le bois pour la future maison, les chevaux et par-dessus tout ça les vélos et les cyclos. Georges ne quitte pas Florent d'une patte et le cyclo se prend même à lui poser une main sur la tête sans s'en rendre compte. Tout arrive dans ce monde!

Première arrêt. Descendent les chevaux et le bois. Tous les passagers prêtent main forte au proprio et laissent un joli tas de planches pré-clouées sur la berge. Mais où est l'emplacement de la future maison? Comment va-t-il faire pour s'y rendre avec tout ça? George est descendu se dégourdir les pattes, mais est vite remonté de peur de perdre son maître adoptif. Deuxième arrêt. Un homme descend. Seul. Et Georges s'échappe, le museau au sol, trop concentré sur sa piste, il n'entend pas les matelots l'appeler. Tant pis, il a choisi sa rive. Il nous a quitté sans même nous dire au-revoir. Sacré Georges! Troisièmes arrêt. Juste pour donner un colis à l'habitant. Né sur cette terre, il y a toujours vécu, il y mourra sans doute. Depuis le décès de ses parents, il y vit seul. Bonjour, au-revoir. Hop, c'est repartit. Quatre ans qu'il n'est pas venu au village. Et la barcasa ne passe qu'une fois par an... Quatrième arrêt, Ventisquero Chico, au pied d'une langue de glacier qui descend tout droit du campo de hielo sur (le champ de glace du sud). La barcasa est prête à accueillir les bovins de la famille. Mais avant : la nuit, les cylos à terre et les marins dans leur tour.

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Et ça y'est nous arrivons. Candelaria. Nous avons traversé le lac! Visite aux carabineros pour quitter le pays et nous enfourchons nos bécanes. Il fait beau, nous sommes pleins d'énergies, prêt à en découdre avec ces sentiers que l'on nous a dits terribles. Nous montons à l'assaut de l'été indien. A la sortie d'un bois, le Fitz Roy apparait. Marc, le photographe ne sait plus où donner de la tête. Puis c'est la frontière, la piste côté chilien, devient sentier côté argentin. Il faut s'enfoncer dans les fourrés, pousser les vélos, un peu, passer quelques troncs, pas trop. La nuit tombe, nous établissons le camp avant d'avoir rejoint le lac du désert.

  

Mercredi. Il nous restait moins d'un kilomètre pour rejoindre le lac. Le kilomètre CarreteraAustrale112.JPGdécrit par tous les cyclos. Celui où le sentier devient ornière et où on a le choix entre enlever une sacoche ou jouer l'acrobate en tenant le vélo au-dessus du mini-précipice. Puis c'est le lac, gris sous la grisaille. Les douaniers argentins nous voient arriver. Mais la frontière est fermée! Comment ça fermée! Vos collègues nous ont permis de sortir, vous allez bien nous laisser entrer. De toute façon nous n'avons pas le choix, il n'y a plus de bateau pour faire demi-tour. Ok, mais il n'y a plus de bateau sur ce lac non plus. Oui, mais bon, vous, vous avez bien un bateau, on peut peut-être s'arranger... Que nenni, on est ravitaillé une fois par mois, et le dernier ravitaillement a eu lieu il y a trois jours. Bon d'accord c'est où le départ du chemin? Par là, sur la plage.

On transvase le contenu de deux sacoches dans nos sacs à dos, une troisième reste sur le porte-bagage arrière droit et la quatrième au-dessus de la troisième. L'idée : avoir un vélo moins lourd et moins large...

 

Et le cauchemar commença...CarreteraAustrale131.JPG

 

Les ornières devinrent troncs, les forêts, chablis, les pentes abruptes, glissantes dans la boue ou falaises que doivent passer les vélos coûte que coûte. Au bout de deux heures, nous nous sommes vite rendu-compte qu'il ne servait à rien d'essayer de garder les pieds au sec pour traverser les torrents. Un seul objectif : faire attention au dérailleur et aux plateaux et garder...la bonne humeur. L'esprit se focalise sur ce petit bout de métal si fragile. Le Dérailleur tient le coup, tant pis pour la pédale qui se prend le tibia pour la énième fois. Enfin, tant pis pour le tibia et le mollet. Tant pis pour la hanche qui bleuie à force de voir d'un peu trop près le cadre du vélo. Il pleut. Il vente. Notre avancée ne se compte pas en kilomètres mais en dizaine de mètres. Heureusement nous sommes quatre. Quatre à tester notre résilience depuis quatre ans. Ne pas flancher, s'entraider, en rire, ne pas s'énerver. Faire les allers-retours dans les côtes pour monter les sacoches, les vélos, un à un. Monter toujours plus vers des sommets inatteignables. En haut, le paysage s'ouvre. Nous voyons les deux côtés du lac. Il vente, fort. La pluie commence à cesser. Nous voyons notre départ, nous devinons notre point d'arrivée. Face à nous, un glacier nous envoie son souffle glacé. La nuit commence à tomber, il faut trouver où camper, attaquer la descente, ne pas CarreteraAustrale130-copie-1.JPGglisser, ne pas tomber avec les vélos. Tant pis pour les tibias, tant pis pour le dos. Se retenir, tenir le vélo, trop, lourd, qui nous emporte malgré l'amputation de deux sacoches. Le bois devient noir, les troncs glissants. La nuit tombe. Flo est envoyé en éclaireur pour trouver un endroit pour établir le campement : deux zones à peu près sèches sur la rive spongieuse d'un cours d'eau. Nous venons de faire 6,8km en 7 heures de lutte... La pluie s'est arrêtée.

Réveil au sec. Nous reprenons le cauchemar où nous l'avons laissé la veille. Sous-bois humides, troncs, rivières, descentes à pic dans la boue. Soudain des voix! Belen et ses deux clients sortent du Lodge caché au bord du lac. Ils vont prendre un zodiac pour arriver à bon port. Nous continuons notre chemin. Le zodiac passe et repasse. Nous sommes des naufragés qui voyons passer un bateau de secours qui ignore notre présence. Mais nous y arriverons. Nous n'avons pas le choix. L'hiver arrive. Personne ne va venir nous chercher, personne ne viendra plus sur ce chemin avant le prochain été. Avançons moussaillons avant que le bateau ne coule!

Ha ! La route, sauvés! Nooonnn, pas de pont! Nous sommes du mauvais côté, CarreteraAustrale135-copie-1.JPGoù est le pont pour traverser la rivière? C'est quoi cette blague? Quand est-ce que tout ça va terminer? Un tronc, deux troncs, un rocher, deux rochers, stoooop, s'il vous plait.... Et dans une trouée, entre deux arbres, le pont apparaît...suspendu! Quelques planches manquent, mais les câbles vont nous sauver de cet enfer. Record du voyage : 5,09km en  7 heures. 7 heures de mise à l'épreuve, pour le moral, pour les muscles. On nous l'avait décrit comme impossible, nous l'avions entendu comme difficile mais passable (pourquoi eux et pas nous). Nous le répétons à notre tour, le tour du lac du désert : une belle rando à pied, un parcours ardu en VTT, un enfer avec des vélos chargés!

 

 

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